Le prix à payer
Il y a des moments en politique où les convictions comptent et où il est nécessaire de démontrer qu’on est prêt à payer le prix pour défendre ces convictions. Quand on a un tiers parti avec une base limitée, il faut savoir se démarquer pour pouvoir attirer l’attention et récolter les adeptes désabusés des autres partis.
On fait grand cas depuis un an, du cynisme de l’électorat québécois. Les québécois ont parfaitement raison d’être cyniques. Jour après jour, ils voient la corruption qui s’est installée dans l’élite politique. Ils en ont marre des ententes corporatistes d’arrière-boutique qui favorisent les amis du pouvoir au détriment des contribuables. Ils savent aussi que cette gangrène ne se limite pas seulement au gouvernement actuel du Parti Libéral. La preuve est que le PQ n’arrive pas à faire de sérieux gains dans l’opinion publique, malgré les déboires des libéraux. L’occasion est d’or pour les tiers partis de se faire valoir comme des alternatives viables. Pour ce faire, cependant, il faut être prêt à prendre des risques. Ceux qui n’ont pas les couilles, seront condamnés à être laissés derrière.
Dans cette course, figurent l’Action Démocratique du Québec à droite (du moins on le croit) et Québec Solidaire sur la gauche. Dans la dernière manche du sempiternel débat sur le nouvel amphithéâtre de Québec, Amir Khadir, le seul et unique député de Québec Solidaire, a réussi haut la main à se démarquer et se positionner comme le seul et unique allié des opposants au projet de loi 204, qui permettrait de protéger l’entente entre Québec et Québécor pour la gestion de l’amphithéâtre, de toute poursuite judiciaire. Ce projet de loi était répréhensible à plusieurs niveaux. En plus de protéger une entente corporatiste plutôt nébuleuse sans appel d’offre, elle dérobe le citoyen du droit de contestation judiciaire, un droit fondamental. Il n’est donc pas surprenant que quatre députés du Parti Québécois, qui a présenté ce projet de loi, ont remis leur démission de leur parti, incapables de suivre la ligne de parti qui entrait en conflit avec leur sens éthique. Dans ce débat, Khadir fût le premier à s’objecter au projet de loi. Non pas parce qu’il y voit un problème d’éthique, mais parce qu’il s’objecte à l’attribution du contrat à Québécor. Fidèle à lui-même, le député de QS n’a pas vraiment de problème avec le fait que l’amphithéâtre soit construit avec des deniers publics, ou que le projet de loi soit une entorse aux droits individuels. Il voudrait que l’entente de gestion soit contestée pour que le contrat échappe à Québécor. Mais au moins il a le courage de ses convictions.
Pour ce qui est de l’ADQ, Ils n’ont même pas pris part au débat. Refusant de participer à la commission parlementaire, à cause du temps de question trop restreint, ils ont également évité de prendre position sur le dossier, au point que leur chef, Gérard Deltell, a permis à ses députés de voter librement sur le projet de loi. Comment est-ce possible qu’un parti qui se veut de droite n’ait même pas pu prendre position? Je puis comprendre que la base électorale de l’ADQ est limitée à la seule région de Québec et que le projet de l’amphithéâtre y est très populaire. De dénoncer le projet de loi n’est pas sans périls, mais si le parti défend une idéologie de droite, il se doit de dénoncer toute entorse aux droits individuels, ils se doit également de s’insurger contre le gaspillage de fonds publics dans un service qui n’est certainement essentiel alors qu’une crise économique sévit partout dans le globe et que la province de Québec est déjà sérieusement endettée. L’ADQ aurait dû dénoncer vivement le projet de loi 204 parce qu’il enfreint le droit des citoyens de contester l’entente de gestion. Il aurait également dû s’opposer vivement au financement entièrement public de l’amphithéâtre comme étant un affront à tous les contribuables de la Belle Province. Si l’ADQ veut se positionner comme le parti qui est différent des autres, et qui sera celui qui redressera les finances publiques de cette province, il se doit de dénoncer toutes les dépenses frivoles du gouvernement. Bref, l’ADQ aurait dû briller dans ce dossier plutôt que de briller par son absence. Si un jour l’ADQ veut percer en dehors de la région de Québec, le prix à payer sera de montrer qu’ils sont également prêts à se battre pour les autres régions.
Pendant ce temps, Jean Charest et ses conseillers doivent sûrement être en train de considérer très sérieusement de déclencher des élections anticipées cet automne, sachant que leurs adversaires sont en déroute. Le temps ne pourra pas être plus propice pour les libéraux.