Dossier Santé (1ere partie): La Suisse
Je continue ma série d’articles qui explorent différents systèmes de santé à travers le monde. J’ai sélectionné naturellement des systèmes qui fonctionnent mieux que le nôtre, notamment au niveau des listes d’attentes. En fait, dans tous les systèmes de santé que je vous présenterai, les listes d’attentes sont virtuellement inexistantes. Voyez-vous, qu’un système de santé ait des temps d’attentes de traitement médians de 17.3 semaines est extrêmement anormal, particulièrement considérant que nous avons le cinquième système de santé le plus dispendieux au monde. Le problème n’est pas tant ce que nous dépensons, mais le fait que nous en ayons très peu pour notre argent. Sans plus tarder, je vous présente la Suisse.
Pourquoi la Suisse?
Malgré qu’il est classé 20e par l’OMS, le système suisse est beaucoup plus performant que bien d’autres pays pourtant plus hauts cotés. Il est un peu unique dans son approche. Contrairement à notre système, les temps d’attentes sont inexistants. En fait, lorsque Joanne Marcotte, réalisatrice du documentaire «L’illusion tranquille», est allée faire une présentation de notre système de santé à un groupe d’assureurs suisses au printemps dernier, ils furent horrifiés par les temps d’attentes de notre système. Vous pouvez écouter son récit de sa présentation dans cette entrevue à la radio.
La Suisse en chiffres.
Canada |
Suisse |
|
Population (2007) en millions |
32 876 |
7 484 |
Âge médian |
39 |
41 |
PIB par habitant ($ PPA int.) |
35 310 |
43 870 |
Dépenses de santé % du PIB (2006) |
10,0 |
10,8 |
Dépenses de santé par habitant ($ PPA int.) |
3 673 |
4 179 |
Espérance de vie à la naissance (2007) |
81 |
82 |
Nbre de Médecins par 10 000 habitants |
19 |
40 |
Nbre d’infirmières et sages-femmes par 10 000 habitants |
101 |
110 |
Nbre de lits d’hôpitaux par 10 000 habitants |
34 |
55 |
(Source: OMS)
On dit que les suisses paient cher pour leur système de santé, mais en réalité, ce n’est guère plus que ce que nous payons ici au Canada. La différence est que les suisses exigent l’excellence et ils l’obtiennent. Comme vous avez pu le constater en écoutant l’entrevue ci-haut, les suisses n’attendent pas. Lorsqu’ils ont besoin de voir un spécialiste, ils peuvent en voir un en l’espace de quelques jours et ils n’ont aucune attente pour être admis à l’hôpital. Leurs hôpitaux sont plus modernes, mieux équipées et ils ont plus de médecins, d’infirmières et de lits. Le système suisse est aussi orienté pour offrir le maximum de choix au patient. Le gouvernement fédéral suisse et les gouvernements de cantons jouent un rôle de régulateur et subventionnent les moins bien nantis pour assurer l’universalité d’accès. Dans le cas des cantons, ils gèrent un réseau d’hôpitaux publics. Le gouvernement suisse ne détient le monopole ni du financement du réseau de santé ou de sa gestion, ni de la prestation des soins.
Financement
Contrairement au système à payeur unique canadien, le système suisse fonctionne à 100% avec des assureurs privés, mais qui sont sévèrement encadrés dans un marché contrôlé. On ne parle pas ici d’un système libertarien, même si c’est un système basé sur un marché relativement libre comparativement aux autres. Il existe en fait deux volets d’assurance. Un volet de base obligatoire qui comporte des primes uniformisées, négociées à chaque année entre le gouvernement suisse et les assureurs. Les suisses sont donc tous couverts par une assurance. Dans ce volet, il était interdit aux assureurs de faire un profit, mais cette restriction a été éliminée en 2002. Tout de même, les différents assureurs se font surtout concurrence sur les prix variant selon le montant des franchises annuelles et co-paiements afin d’attirer la clientèle. Les primes du volet de base sont partiellement remboursables par le gouvernement au prorata des revenus pour ceux dont le coût des primes d’assurances dépasse 10% de leur revenu imposable. Ceci compte pour 30% de la population. Le terme assurance de base est toutefois trompeur car la couverture est quand même très extensive, elle couvre des soins qui ne sont même pas couverts au Québec par la RAMQ, comme les soins dentaires par exemple. Afin de diminuer leur coûts d’assurance, les suisses préfèrent avoir un haut déductible, quitte à payer certains soins de leur poche. Il existe aussi un volet étendu qui offrent des services non-couverts par l’assurance de base. Par exemple, alors que l’assurance de base n’offre l’hospitalisation que dans des chambres à 4 ou 6 lits, les assurances complémentaires offrent des chambres semi-privées ou privées. 40% des suisses souscrivent à une assurance supplémentaire. Les assurances suisses ne sont pas liées à l’employeur. Dégagés de ce coût d’embauche non-négligeable, les employeurs suisses paient généralement mieux qu’à des endroits où le coût des assurances maladie sont défrayés par l’employeur.
La prestation des soins.
En Suisse, les soins sont prodigués dans l’un des nombreux hôpitaux publics, opérés et financés par les Cantons, ou dans des hôpitaux privés. Le remboursement des frais hospitaliers est négocié entre les compagnies d’assurances, les Cantons et les hôpitaux privés. La plupart des soins primaires sont prodigués par des médecins en pratique indépendante. Les médecins offrant un service ambulatoires produisent une facture détaillée au patient qui est ensuite remboursée en tout ou en partie par l’assureur selon les termes de la police. L’avantage de ce système est que le patient est sensibilisé à tous les coûts des soins et peut utiliser cette information pour guider ses choix de vie. Ainsi, en consultant les statistiques de l’OMS, on constate que l’obésité est quasi-inexistante et le taux de tabagisme est aussi relativement bas. Les suisses ont en principe un choix quasi-illimité de médecins, mais règle générale, ils en choisissent un régulier. Trouver un médecin de famille n’est pas un problème. Il n’y a pas de pénurie de personnel infirmier non-plus et d’ailleurs, beaucoup d’infirmières québécoises choisissent d’émigrer en Suisse, où elles trouvent des meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. Les hôpitaux sont modernes et bien équipés. La Suisse possède plus du double des CT Scan et MRI du Canada entier en rapport avec sa population. Quand un médecin veut poser un diagnostic, il a tous les outils pour le faire. De quoi faire rêver les médecins québécois.
Conclusion.
En donnant une liberté de choix aux patients et en assurant une compétition saine entre les compagnies d’assurances, la Suisse a réussi à se donner un système de santé d’une efficacité pratiquement sans pareil au monde. Il y a certainement des leçons que nous pouvons tirer de leur expérience. Le plus grand désavantage est que les suisse doivent défrayer un plus grand pourcentage des coûts de leurs soins de santé, mais en ciblant directement les moins nantis dans le subventionnement des soins, le gouvernement fédéral et les gouvernements de Cantons arrivent à maintenir l’universalité d’accès au soins aux plus pauvres de ses citoyens. La semaine prochaine, je revisiterai Singapour.
Sources:
The Swiss Healthcare System (2002)
The Grass Is Not Always Greener: A Look at National Health Care Systems Around the World.
J'ai justement un médecin qui a pratiqué pendant plusieurs années en Suisse comme spécialiste. Honnêtement, il en revenait pas du fait qu'il n'existait pas d'hôpitaux privés dans le système Canadien et disait véritablement que le corporatisme des ordres professionnels était aussi un gros problème. Effectivement, la Suisse a véritablement compris qu'en décentralisant le système au maximum, et malgré que cela soit loin d'être parfait, on arrive en fait au système le «moins pire».
Par contre, si on regarde le système canadien de plus prêt, on voit de nombreuses contradictions. Malgré que je déteste le nationalisme Québécois autant que le Canadien, il est ironique de voir le système de santé Canadien comme source d'une mythologie nationaliste comme que l'on voit dans aucun autre pays occidental.
-Le gouvernement fédéral n'a absolument rien à voir par rapport à la santé et cela peu importe ce que les Libéraux fédéraux et les néo-démocrates veulent mettre dans leur «mythologie» . Or, lorsque je vois le NPD fédéral faire une campagne sur les soins de santé autant dire que je crois qu'ils devraient lire la constitution.
-L'autre problème vient aussi du fait que les soins de santé sont souvent très centralisés du moins dans les décisions. Or, vu que l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Québec n'ont pas une superficie très identique, il est évident que le problème dans des provinces très grandes en superficie fait de l'hyper-centralisation des soins de santé dont je crois que cela pourrait même aller aux régions ou aux grandes villes à l'instar de la Suisse.
[…] excessifs et du rationnement des soins. À l’opposé, des systèmes comme celui de la Suisse et de Singapour démontrent depuis plus de 10 ans qu’une certaine dose de mixité […]
[…] excessifs et du rationnement des soins. À l’opposé, des systèmes comme celui de la Suisse et de Singapour démontrent depuis plus de 10 ans qu’une certaine dose de mixité […]
merci pour cet article bien documente et tres bien ecrit