Privatisation du système de santé – L’exemple de Singapour.
Au Québec, aussitôt qu’il est question de privatisation de certains éléments de notre système de santé, les gauchistes montent au barricades, revendiquant leur droit sacro-saint de faire payer leurs soins de santé par quelqu’un d’autre. Ils ont effectivement le droit de vivre dans le déni de la réalité, mais la réalité est que le cout de notre système de santé 100% financé par les deniers publics est insoutenable et nous devrons faire un choix tôt ou tard. Présentement, le système de santé accapare plus de 40% du budget de la province et on peut logiquement s’attendre à ce qu’il dépasse 50% bientôt et avec le vieillissement de la population, ces couts ne feront qu’augmenter avec de moins en moins de contribuables pour le payer. Il serait donc sage de considérer un autre modèle. En faisant de petites recherches, je suis tombé sur une modèle qui pourrait être une bonne solution ici et qui est soutenable à long-terme; celui de Singapour.
Pourquoi Singapour?
Singapour est une ville-état d’environ 4,3 millions d’habitants. C’est évidemment beaucoup plus petit que le Québec en termes de superficie, mais l’écart de population n’est pas assez grand pour ne pas rendre une comparaison valable. Le revenu moyen des Singapouriens est sensiblement le même que celui des québécois. De plus, étant une ancienne colonie britannique, Singapour a un système public calqué sur le NHS britannique, ce qui veut dire que le système québécois pourrait s’adapter relativement facilement à celui de Singapour. Aussi étonnant que ça puisse paraître, Singapour possède un système de santé universel classé 6e au monde par l’OMS (le Canada est au 30e rang et les États-Unis au 37e) mais qui ne coûte que le tiers de ce que coûte le système canadien par rapport au PIB.
Je cautionne tout de même que le système de santé de Singapour n’est pas un système libertarien. L’état y participe en grande partie, comme vous le verrez. Par contre, dans l’optique d’une réduction de la participation de l’état aux soins de santé et de la remise du pouvoir décisionnel entre les mains des individus et des pourvoyeurs de soins, ce système offre des avantages indéniables qui font que les libertariens comme moi pourraient le considérer comme un compromis acceptable à court-terme.
La philosophie singapourienne
Que ce soit au Canada, aux État-Unis ou en Europe, les débats sur la santé tournent toujours autour de qui doit payer. Mais peut importe comment on s’y prend, au final l’argent proviendra toujours de la poche des individus. Singapour a donc décidé de prendre une approche différente. Leur but était de responsabiliser leurs citoyens par rapport à leur santé, remettre les décisions de santé dans les mains des individus et leurs pourvoyeurs de soins, d’éviter la surconsommation des soins et les abus, de contrôler les couts et de rendre les soins abordables tout en garantissant l’accès à des soins de base de qualité aux plus démunis. Leur système est bâti autour d’une structure qu’ils appellent les 3M: Medisave, Medishield et Medifund.
Medisave
Medisave est un compte d’épargne-santé obligatoire géré par l’état qui couvre environ 85% de la population. Il est une composante du programme de pension obligatoire appelé Central Provident Fund ou CPF. Typiquement les employés y versent 20% de leur salaire et les employeurs fournissent 13%. Environ 6 à 8% de cet argent est déposé dans le compte Medisave de chaque travailleur. Le compte Medisave peut alors servir à rembourser les frais médicaux et hospitaliers courants encourus par les travailleurs et leur famille immédiate. L’idée est de couvrir compètement les couts de la plupart des patients dans les hôpitaux publics subventionnés par l’état. Au-delà de tout ça, les patients doivent payer de leur poche ou à partir d’une assurance supplementaire comme le MediShield.
Medishield
MediShield est un plan d’assurance national à déductible élevé et faible prix qui couvre les frais plus élevés des maladies et accidents sérieux ou catastrophiques. Les singapouriens ont aussi le choix de plusieurs assurances privées similaires. Toute les primes d’assurance peuvent être payées à partir du compte MediSave.
MediFund
MediFund, le troisième volet est un fond d’assistance aux démunis qui couvre ceux qui ne sont pas couverts sous MediSave et qui n’ont pas les moyens de payer leurs frais médicaux. L’accès à MediFund est sujette à une étude de moyens ponctuelle pour s’assurer que l’aide va seulement à ceux qui en ont vraiment besoin et couvrent les soins de base dans les hôpitaux publics. C’est le filet de sûreté qu’offre l’état pour s’assurer que personne ne soit laissé sans accès aux soins de santé.
Eldershield
Eldershield est un ajout à la structure 3M originale qui fournit une protection additionnelle qui consiste en une assurance privée qui couvre les divers handicaps causés par la vieillesse. Il fournit une allocation mensuelle à ceux qui se retrouvent incapables d’accomplir trois activités de base de la vie de tous les jours ou plus.
Public et privé
À Singapour, 80% des soins primaires sont fournis par des cliniques et praticiens privés et 20% sont fournis par des polycliniques publiques. À l’opposé, les soins nécessitant une hospitalisation sont livrés à 80% par des hôpitaux publics et 20% par le privé. Les différents prix sont contrôlés par le gouvernement, mais les praticiens, cliniques et hôpitaux publics et privés on la liberté de fixer leurs prix à l’intérieur de certaines limites. La liste de prix de chaque pourvoyeur de soins doit être disponible aux patients afin de leur donner la possibilité de magasiner. Comme les patients ont le contrôle de leurs propres dépenses de santé, ils ont la possibilité de mieux choisir avec l’aide de leur pourvoyeur quels traitements sont appropriés. Le pouvoir décisionnel est dans les mains des patients et des médecins plutôt que celles d’un assureur ou d’un fonctionnaire. Le fait que les patients doivent co-payer, freine les abus et la compétition entre les cliniques, hôpitaux et praticiens réduit les coût et améliore les services. Étant donné qu’ils sont plus conscients des couts, les singapouriens sont aussi plus conscients des impacts de leur mode de vie sur leur santé et font des choix plus éclairés sur leur style de vie. Par exemple, il n’y a presque pas d’obésité à Singapour.
Conclusion
Grâce à la philosophie de la structure 3M, Singapour a construit le système de santé le plus efficace au monde en termes de rapport qualité/cout. Le système de Singapour est l’égal ou de presque tous les systèmes de santé qu’on nous brandit en exemple, mais ils arrivent à le réaliser à moins de 4% de leur PIB (incluant public et privé). Leur modèle serait facilement adaptable au Québec. Si on voulait sérieusement contrôler les couts des soins de santé sans sacrifier la qualité (même en l’améliorant – Les temps d’attente pour tous les traitements sont moins de 30 jours à Singapour), nous serions fous de ne pas le considérer.
Références.
Singapore Ministry of Health: Healthcare System
Singapore’s Health Care System: A Free Lunch You Can Sink Your Teeth Into
The World Health Organization’s ranking of the world’s health systems
Ce billet est publié simultanément sur le blogue collectif “Les 7 du Québec”. Vous êtes invités à laisser vos commentaires sur ce site.
[…] que la santé coûte cher partout. Malgré tout, comme je l’ai démontré avec mon exemple du système de santé de Singapour, certains autres pays arrivent à faire beaucoup plus avec moins, notamment la Suisse, les Pays-Bas […]
[…] déjà écrit sur le système de Singapour il y a quelques mois, mais j’ai choisi de le revisiter dans le cadre de ce dossier parce […]
[…] déjà écrit sur le système de Singapour il y a quelques mois, mais j’ai choisi de le revisiter dans le cadre de ce dossier parce qu’il […]
[…] déjà écrit sur le système de Singapour il y a quelques mois, mais j’ai choisi de le revisiter dans le cadre de ce dossier parce […]