Vive la monnaie libre!
Bon voilà le moment venu de discuter de monnaie. Dans mon billet «La destruction de la richesse», je vous ai montré les effets néfastes de l’inflation et comment cette inflation est responsable du cycle économique de boums et de récessions. Cette situation n’est pas inhérente au libre-marché, mais c’est plutôt l’intervention étatique dans la production de la monnaie qui est à blâmer. Nos problèmes actuels viennent en réalité de deux sources: le système bancaire avec banque centrale et réserves fractionnaires et la monnaie fiduciaire. Je me propose donc d’élaborer un peu sur le sujet.
L’argent et la richesse.
Il y a un sophisme économique persistant qui veut que plus on a d’argent, plus on est riche. C’est peut-être vrai du point de vue d’un individu en particulier (et encore!), mais c’est faux à l’échelle d’une économie. Dans une économie, la richesse provient de la quantité de biens produits et non de la quantité d’argent en circulation. Il est donc important de se souvenir que la masse monétaire ne devrait jamais être plus grande que la production de l’économie. Imprimer de l’argent ne produit pas de richesse. Si c’était si simple, il y a longtemps qu’on aurait éliminé la pauvreté.
Les banques centrales et les réserves fractionnaires.
Je ne tiens pas à me lancer dans des explications trop élaborées de notre système bancaire. Je vais donc essayer de me limiter à l’essentiel. Le principe de réserve fractionnaire veut dire que pour chaque dépôt, la banque peut prêter une partie ou la totalité de l’argent déposé sous forme de prêt. Par exemple, aux États-Unis, les banques doivent maintenir une réserve minimum de 10%, ce qui veut dire que pour un dépôt de $100, la banque peut prêter $90, tout en gardant votre dépôt original de $100 dans ses livres. Si la banque prête ces $90 à une autre banque, celle-ci peut également prêter 90% de cet argent, et ainsi de suite. Ce qui veut dire que chaque dépôt de $100 peut « créer » jusqu’à $1000 de crédit à partir de rien.
Avec la banque centrale comme chef d’orchestre, les banques forment un cartel qui détient le monopole de la création d’argent dans une zone monétaire donnée, avec le concours de l’état. Ce système permet une expansion monétaire coordonnée entre les banques.
La monnaie fiduciaire.
Depuis l’abandon de l’étalon-or par les États-Unis en 1971, toutes les monnaies sont fiduciaires. C’est à dire que leur valeur repose strictement sur la confiance envers l’émetteur de cette monnaie, en l’occurence le gouvernement. Le papier-monnaie n’a aucune valeur intrinsèque. Le problème avec ce concept, est qu’il impose très peu de limites sur la capacité d’un gouvernement à imprimer de la monnaie, alors qu’avec une contrepartie métallique, le gouvernement doit maintenir des réserves suffisantes de ce métal, ce qui a tendance à mettre un frein à la production monétaire. Le graphique ci-dessous illustre la croissance de la masse monétaire aux États-Unis depuis 1960. Notez comment l’expansion monétaire s’accentue depuis 1970 alors qu’elle était pratiquement plate avant.
C’est juste pour démontrer l’effet limiteur de l’étalon-or sur la création de monnaie. Il y a dans l’histoire plusieurs expériences qui ont été tentées d’introduire une monnaie fiduciaire en papier, que ce soit la monnaie de carte de la Nouvelle-France ou les assignats et la monnaie de John Law en France, pour n’en nommer que quelques unes, elles se sont toutes soldées par des désastres économiques. Naturellement, ceux qui n’apprennent rien de l’histoire sont condamnés à la répéter. Alors qu’est-ce qui nous fait croire qu’on évitera le désastre ce coup-ci?
Des alternatives?
Sachant que la monnaie fiduciaire et les banques centrales sont à la racine du problème, c’est évident que nous devons revenir à une monnaie qui est plus solide, abolir les banques centrales et désétatiser la monnaie. Lorsque je mentionne ça dans des discussions, des rigolos me lancent « c’est ça! on va retourner au troc! ». Si c’était maintenant votre intention, laissez-moi vous dire que c’est une réflexion totalement ignorante et stupide. Réformer le système monétaire ne signifie pas un retour au troc! Et une monnaie qui n’est pas contrôlée par l’état n’est pas nécessairement moins fiable, car croyez-le ou non, ce n’est pas l’état qui a inventé l’utilisation de la monnaie, mais les gros méchants capitalistes et le libre-marché. L’état, y voyant un certain avantage, a tout simplement utilisé son pouvoir pour s’en attribuer le monopole, mais ce n’est pas pour votre plus grand bien, mais plutôt celui de la classe politique. Rappelez-vous aussi qu’au Canada, il n’y avait pas de banque centrale avant 1934. Que diable faisions-nous avant !?! Échanger des fourrures? Non, nous utilisions des notes émises par nos banques et convertibles en or ou en argent.
Pourquoi un système bancaire libre?
Croyez-le ou non, un des problèmes du système actuel est que les banques bénificient de trop de protection de l’état, ce qui leur permet de prendre plus de risques. Par exemple, le fait que vos dépots à la banque soient assurés par le gouvernement permet aux banque de maintenir une moins grande réserve, puisqu’elles n’ont plus à craindre de ruées. Sans cette protection, les banques devraient maintenir une réserve plus grande pour pallier une panique des déposants. Un dirigeant de banque y pense deux fois avant de se risquer à faire trop de prêts ou faire des prêts à risque si l’état n’est pas là pour le protéger de la faillite. Les banques seraient responsables des notes qu’elles émettent, elles auraient donc un intérêt à la prudence. De plus, sans banque centrale, les banques ne peuvent plus créer du crédit de façon coordonnée. Si une banque individuelle fait une expansion de crédit trop forte, elle devient vulnérable à ses compétiteurs qui peuvent démarrer une ruée sur cette banque.
Les économistes de l’école autrichienne sont pour la plupart, en faveur d’une monnaie étalonnée avec des banque qui maintiennent une réserve à 100%. C’est à dire qu’elle ne peuvent prêter que l’argent qu’elles reçoivent sous forme de dépôt à terme. Ce ne serait pas dans l’esprit libertarien d’imposer ceci par règlementation par contre, alors on se fierait aux forces du marché. Il est évident que dans un marché libre, je ne déposerais mon argent que dans une banque à 100% de réserve. Présumément, la majorité des gens feraient de même.
Philippe, un petit graphique sur les variation historiques annuelles d'inflation aux U.S.A.
http://en.wikipedia.org/wiki/File:US_Historical_I…
@ JC
Merci pour ce graphique. Petit bémol en partant est que l'inflation monétaire ne se traduit pas toujours directement dans l'indice des prix à la consommation. Par contre, ce que j'y note d'intéressant est qu'avant 1950 il y avait des fréquentes périodes de déflation, alors qu'après 1950 (Bretton Woods?), l'inflation est omniprésente.
>Petit bémol en partant est que l’inflation monétaire ne se traduit >pas toujours directement dans l’indice des prix à la consommation
Dans ce cas, ca voudrais dire que l'inflation de la masse monetaire n'est pas un probleme puisqu'elle correspond a la croissance de l'economie. (Ce qui n'est donc plus de l'inflation en temps que tel)
Depuis 1990, l'inflation (reelle; les prix a la consommation) s'est stabilisee autour de 2% au Canada, 2.5% aux USA.
N'en deplaise aux libertariens, les faits observables sont qu'avec un objectifs d'inflation tel que c'est fait au Canada (par opposition a un objectif d'emploi), les banques centrales ont fait une job relativement correcte au cours des 20 dernieres annees; on est reste dans une "bracket" de 2% a 4%
Reste a savoir en quoi la crise actuelle resultera. Mais ca, c'est la base meme de notre petit pari eh? 😉
(Jusqu'a maintenant, avec l'or a $850 l'once, l'inflation qui ne bouge pratiquement pas, et les mois qui avance… ca regarde bien de mon bord.)
A plus.
@ JC
Faut remercier la mondialisation et les économies émergentes de l'Asie pour celle-là. (et Wal Mart) 😉 Ce qui veut dire que si ce n'avait pas été de l'inflation monétaire, nous aurions eu une augmentation de notre pouvoir d'achat et de nos salaires réels. Une inflation de 2% à 4% équivaut à une taxe additionnelle du même montant. Qui plus est, même les plus pauvres n'y échappent pas.
Attendons de voir ce que les chinois vont faire… La fin de 2010 est encore loin.
La crise est due à la base aux banques centrales qui ont restreint le crédit entre 2004 et 2006 sans qu'il n'y ait menace d'inflation. Les taux de base aux US augmenta 17 fois, passant de 1% à 5.25%! Donc baisse des investissements, mises à pieds, insolvabilité des consommateurs.
En 2006 les 5 banques à chartes canadiennes firent 19G de profits net et au premier trimestre de 2007, 5G dont 1.5G pour la banque Royale.
Au même moment, même si GM n’était pas parfait dans sa gestion, il y eu perte de 5G.
C'était donc aux banques centrales de nous redonner notre argent volé et ce sans nous endetter pour notre propre production.
Un peu d'inflation ne fait pas de mal, ça augmente les revenus monétaires des ménages pour honorer leurs engagements envers les banques, en payant les frais d'intérêts qui sont de l'argent demandé mais pas créé.
Sous le système actuel le taux de base optimal doit être de 5 pts en dessous de l'augmentation du PIB en $ d'aujourd'hui (incluant inflation). Donc si augmentation du PIB de 7%, le taux de base doit être de 2% et le taux préférentiel de 4%.
Le système de création monétaire est archaïque et sans accord avec les réalités. Les banquiers sont déflationnistes, ils veulent que "leur" argent soit en quantité limité pour avoir une plus grosse valeur. La contradiction est que le mécanisme l'y permettant est inflationniste en augmentant le taux d'intérêt qui se retrouve dans les prix.
@ Douglas
Les récessions se produisent parce que les taux d'intérêts ont été maintenus artificiellement bas pendant trop longtemps, ce qui a engendré des malinvestissements qui ne pouvaient plus être soutenus une fois que les taux ont remonté, comme ils devaient inévitablement le faire.
L'inflation est une forme sournoise de taxation. Même en modération, elle est néfaste.
Le problème du système actuel est qu'il permet aux gouvernements d'imprimer de la fausse monnaie impunément.
Je ne vois pas d’hyperinflation demandant une hausse de l’intérêt. En 2004 un petit début sauf qu’en 2005 et ensuite les banques furent gourmandes.
L’inflation permet de rembourser les intérêts et je suppose que la déflation pas grave, tout s’ajuste?
@ Douglas
Le taux d’intérêt n’est pas un levier, il est plutôt un baromètre. Normalement , il est un indicateur du niveau d’épargne. Plus les gens épargnent, plus le taux d’intérêt est poussé vers le bas. Lorsque les gens cessent d’épargner et consomment à crédit, le taux remonte naturellement. Lorsque la Fed injecte des liquidités en créant de l’argent, c’est interprété par le marché comme un surplus d’épargne, ce qui pousse le taux d’intérêt vers le bas. Par contre, la Fed ne peut faire tourner la planche à billet perpétuellement. Puisque le taux est artificiellement bas ça stimule la consommation à crédit, ce qui va naturellement pousser les taux vers le haut éventuellement. C’est un effet qui ne peut être contrebalancé que par de l’épargne ou d’autre création monétaire. Mais comme je disais, la Fed ne peut pas imprimer imprimer des billets continuellement sans dévaluer le dollar, c’est pourquoi ils doivent cesser de créer de la monnaie. En 2004, ça faisait 2 ans que les planches à billet tournaient à vive allure. Ça rend les dirigeants de la Fed nerveux.
Salut,
Lorsque vous parlez de la planche à billet, est-ce de M1?
Si le gouvernement à besoin d’argent pour activer la production publique, il émet des obligations en retour d’argent neuf, venant de la Banque centrale par exemple, le taux d’intérêt baisse, les investissements ensuite se transforment en partie en épargnes qui peuvent être prêtées.
Si la Banque décide de se débarrasser des obligations, elle les revend sur le marché, baissant leurs prix et donc augmentent l’intérêt.
Ne serait-il pas mieux que ce crédit nouveau, qui est baser sur la capacité de production globale du pays, appartienne aux citoyens et que les profits ou dividendes leurs soient donnés en entier, au lieu de nous endetter pour notre labeur?
Aussi, le fait d’épargner n’entraîne pas automatiquement une hausse de l’investissement. Plus on épargne, moins on dépense, moins de profits et d’investissements, donc chômage.
Les banques secondaires aussi créent des crédits nouveaux basés sur la capacité de production réelle. Mais, demander un fond de réserve de 100% les empêcheraient de passer de l’argent et entraînerait une énorme restriction du crédit. Sans doute du 50% pour passer le même montant mais, encore là insuffisant.
Pas pour rien qu’on emprunte et que les banques en passent plus, à la base notre pouvoir d’achat est insuffisant pour acheter l’ensemble de la production.