Le goudron et les plumes

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Comme promis, je vous présente la seconde partie de la chronique de Nathalie Elgrably dans laquelle ell livre sa pensée sur le plan de sauvetage du gouvernement américain.


Du goudron et des plumes (2)

Nathalie Elgrably

J’ai consacré ma chronique de la semaine dernière au fait que l’injection massive de monnaie par la Réserve fédérale américaine (Fed) est l’épicentre du séisme économique actuel. Or, voici que pour remédier à une crise causée par le crédit facile, le gouvernement des États-Unis s’engage, entre autres, à racheter pour 700 milliards de dollars d’actifs invendables, tandis que la Fed injecte des centaines de milliards de liquidités.

L’intention est louable, mais le plan de sauvetage ne remettra pas l’économie sur ses rails. Pis encore, ce plan l’enfoncera dans un profond marasme et retardera tout espoir de reprise.

Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’on ne règle pas une crise causée par un excès de crédit en injectant davantage de liquidités. Le plan de sauvetage revient à jeter de l’huile sur le feu car il encourage la consommation et l’endettement, alors que ces comportements font justement partie du problème. Ensuite, en plus d’être trop myopes pour voir l’énormité du désastre qui se prépare, les soi-disant experts sont trop distraits pour poser la seule question qui importe réellement : comment l’État américain financera-t-il ses largesses sans faire des coupes massives dans d’autres programmes ?

C’est simple : il doit choisir entre alourdir la fiscalité, s’endetter ou imprimer de l’argent. Il n’existe aucune autre avenue. Comme la première option risque fort de provoquer un soulèvement général, vu le montant astronomique à financer, il est peu probable qu’elle soit retenue. Quant à la deuxième, Washington dispose de peu de marge de manoeuvre. La dette nationale américaine atteint déjà 10 000 milliards de dollars et elle pourrait représenter 80 % du PIB en 2009. Or, quand le niveau d’endettement d’un pays atteint de telles proportions, les prêteurs se raréfient. L’État est alors forcé de recourir à la troisième option et d’imprimer l’argent nécessaire pour respecter ses engagements. Il semblerait d’ailleurs que le processus d’impression de monnaie soit déjà enclenché.

En mars 2006, la Fed a cessé de publier la statistique la plus complète et la plus révélatrice sur la quantité de monnaie en circulation (ce que les économistes appellent M3). Or, même en l’absence de données officielles, c’est évident que les actions récentes prises par la Fed exigent une croissance monétaire importante. Selon l’économiste John Williams, cette croissance se ferait au rythme effarant de 17% par an !

Le hic, c’est que plus il y a de monnaie en circulation, plus l’argent perd de sa valeur. L’expression « injecter des liquidités » est donc un euphémisme pour dire que la Fed crée de l’inflation. Et vu les mesures extraordinaires prises par la Fed, on peut raisonnablement s’attendre à une inflation de l’ordre de 20 % d’ici à 2010. Peut-être même assisterons-nous à une hyperinflation si la Fed continue sur sa lancée. Ce n’est une question ni d’allégeance politique, ni d’école de pensée économique, mais de logique et de mathématiques !

Évidemment, l’inflation accommode Washington car sa dette réelle diminue à mesure que l’argent perd de sa valeur. En revanche, la population – et surtout les épargnants et les gens qui vivent sur un revenu fixe – verra son pouvoir d’achat et son niveau de vie fondre rapidement.

Ainsi, prétendre que le plan de relance ne touchera pas le contribuable est un leurre. L’inflation est une taxe cachée, une taxe sournoise qui appauvrira en priorité les familles à faibles revenus, faisant du rêve américain un véritable cauchemar.

Les efforts de la Fed et de Washington ne sauveront pas l’économie américaine. Au contraire !

A propos de l'auteur

Mon nom est Philippe. J'habite sur la rive sud de Montréal. Je suis un technicien en informatique qui aime discuter de toute sorte de sujets. Bienvenue sur mon blogue!

3 Réponses à “Le goudron et les plumes”

  1. Un autre article fort intéressant.

    En lisant cela, c'est certain que la question se pose : est-ce que ne rien faire n'aurait pas été une pilule plus facile à avaler?

  2. @Daz Hoo:

    C'est effectivement une bonne question et à long terme, selon les économistes autrichiens, la réponse est oui. Les interventions que font actuellement le gouvernement des É-U et les autres sont en réalité du pelletage par en avant. Le problème est toujours là et va revenir nous hanter plus tard, tout comme cette crise découle de celle des dotcoms. Si le gouvernement avait choisi de ne pas intervenir avec son plan de sauvetage, beaucoup de banques auraient fait faillite et ça aurait certainement fait mal, mais le monde financier se serait débarassé de ses malinvestissements et les administrations qui ont foutu la merde seraient remplacées par des gestionnaires plus prudents. À plus long terme, les bases de l'économie auraient été encore plus solides.

  3. Les mécanismes sont complexes et je n’y connais pas grand chose, mais une forte inflation pour tout ceux qui ont empreinté à taux fixe pour l’achat de leur maison, c’est plutôt une bonne nouvelle,  leur salaire suivra plus ou moins l’inflation (s’ils ne se font pas lourder…) et leur maison leur sera en partie offerte par la banque, ce qui est un juste retour des choses finalement… Pour ceux qui ont empreinté à taux variable et pour ceux qui n’ont pas empreinté c’est une mauvaise nouvelle par contre.