Soyons des dictateurs!

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Patrick Lagacé dit qu’il a fait la vague dans son salon en lisant cet article du Nouvel Observateur. Richard Martineau est encore plus volubile sur son blogue. Je les seconde dans ce sentiment: Aldo Naouri est le top!

Le retour du père fouettard ?

«Soyez des dictateurs !»

On peut bien le traiter de réac, il s’en moque. Le pédiatre Aldo Naouri, auteur d’un best-seller controversé *, persiste et signe : il faut empêcher les enfants de prendre le pouvoir dans la famille

Le Nouvel Observateur.A vous lire, on a le sentiment que les enfants, aujourd’hui, ont pris le pouvoir. Pour combattre leur toute-puissance, vous allez jusqu’à préconiser une éducation «dictatoriale» !
Aldo Naouri. – Les enfants n’ont pas pris le pouvoir ! On le leur a donné ! C’est pourquoi, et je l’assume, j’écris qu’il faut élever les enfants sur un mode dictatorial, «fasciste» même, pour en faire plus tard des démocrates. Car, si on les élève de façon démocratique, on en fera assurément plus tard les pires fascistes qui soient. Je persiste : dans l’ambiance d’infantolâtrie dans laquelle nous baignons, les ordres donnés aux enfants ne doivent pas être expliqués, ils doivent être exécutés. Un ordre est un ordre. Point. Si le parent cherche l’acquiescement, il fait de son enfant son juge, le conforte dans le déploiement de sa toute-puissance et inverse la hiérarchie rassurante dont il a besoin.
N. O.Vous y allez fort !
A. Naouri. – Non. C’est folie de croire qu’une relation horizontale entre parents et enfants pourrait être satisfaisante. Regardez ce qui se passe entre Nicolas Sarkozy et les Français. Il est président de la République, tout en haut de la pyramide où les électeurs l’ont placé. Et voilà qu’il dit à un homme : «Casse-toi, pauvre con !» Et à un autre : «Descends, je te casse la gueule !» Eh bien, au-delà des mots, évidemment, c’est cette horizontalité que les Français n’ont pas supportée. C’est la même chose entre parents et enfants. Il faut de la verticalité. Ne pas se placer au même niveau. Etre copain avec ses enfants, c’est la pire maltraitance qu’on puisse leur infliger. Trop de sollicitude tue la sollicitude. Les parents ont tellement peur de traumatiser leurs enfants ! Ils n’ont que ce mot à la bouche. C’est une soupe psychologique qui les a conduits là où ils sont aujourd’hui. En réalité, il s’agit d’un alibi commode à leur paresse et à leur désir effréné de plaire à leurs enfants.
N. O.Vous faites l’éloge de la frustration, à une époque où régnerait l’enfant-roi, voire l’enfant-tyran.
A. Naouri. – Bien sûr. La frustration n’est pas la privation. Mais c’est le moyen de faire comprendre à l’enfant que sa mère n’est pas toute à lui. Qu’elle a un homme, avec qui elle forme un couple. Elle est mère. Mais elle est femme. Et l’enfant tout-puissant n’a pas à prendre dans la famille une place centrale autour de laquelle tout tournerait, et qui n’est pas la sienne. Une grande partie des parents aujourd’hui sont complètement paumés, et les enfants, infernaux. Il faut leur construire des parapets, pour qu’ils puissent construire leurs chemins. Et cesser de céder sur tout, tout le temps. Il faut supprimer le biberon, la sucette, le doudou au plus tard à 2 ans et demi. Cesser de s’inquiéter quand on trouve qu’un enfant ne mange pas assez. Un enfant ne se laisse jamais mourir de faim. Laisser pleurer un enfant qui ne veut pas s’endormir n’est pas un drame.
N. O.Vous êtes un vrai «père Fouettard» !
A. Naouri. – Traitez-moi de vilain réac, si vous voulez. J’ai l’habitude. Mais «père Fouettard», sûrement pas. Je suis résolument contre tout châtiment corporel, qu’il s’agisse d’une fessée ou même d’une tape sur la main, même si cela n’a jamais tué personne. Je trouve néanmoins aberrante cette campagne européenne contre la fessée. En quoi les Etats devraient-ils se mêler de ce qui se passe à l’intérieur des familles ? Je ne parle évidemment pas de la maltraitance qui est du domaine du pénal. Je parle de cette intervention étatique dans le lien parent-enfant. Comment voudriez-vous que les parents puissent s’autoriser à être parents ? Ils sont déjà suffisamment inhibés pour qu’on ne vienne pas en rajouter.
N. O.Et le procès intenté à ce professeur qui a giflé un élève qui l’avait traité de «connard» ? Vous le trouvez légitime ?
A. Naouri. – De ce que je sais, je le trouve scandaleux. En règle générale, j’estime que les enseignants connaissent bien leurs élèves. Ils sont aux premières loges de ces comportements de toute-puissance dont ces derniers ne se sont souvent pas débarrassés. Les parents, plutôt que de critiquer les profs, feraient mieux de les écouter et de les défendre auprès de leurs enfants. C’est une façon de les préparer, lorsqu’ils seront adultes et entreront dans le monde du travail, à la rigueur de la hiérarchie. Dans ce cas précis, il aurait sans doute mieux valu que les parents disent à leur enfant : «Tu l’as probablement mérité !»
N. O.Les parents ont donc toujours tort ?
A. Naouri. – Etre parent, c’est un métier impossible ! Rappelez-vous ce que disait Freud à Marie Bonaparte qui l’interrogeait sur la meilleure manière d’être parent : «Comme vous voulez, de toutes les façons, ce sera mal.» Moi, ce que j’ai envie de leur dire, c’est : allez-y, n’ayez pas peur ! Faites ce que vous avez à faire. De toutes les façons vous n’avez aucune crainte à avoir. Vous êtes condamnés à être aimés comme à être haïs. A aimer comme à haïr – par bouffées.

* «Eduquer ses enfants. L’urgence aujourd’hui», Odile Jacob, 336 p., 22,90 euros.

Agathe Logeart
Le Nouvel Observateur

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A propos de l'auteur

Mon nom est Philippe. J'habite sur la rive sud de Montréal. Je suis un technicien en informatique qui aime discuter de toute sorte de sujets. Bienvenue sur mon blogue!

2 Réponses à “Soyons des dictateurs!”

  1. Je suis de descendance vietnamienne du côté maternel – ça ne paraît pas dans mon nom (écourté j’ai quand même un prénom vietnamien sur mon certificat de naissance).

    En vietnamien c’est carrément linguistique. Les rapports entre les personnes sont hiérarchisés selon les termes familiaux (grand-père, grand-mère, oncles maternels plus vieux que la mère, plus jeunes que la mère, idem pour les oncles paternels, idem pour les tantes maternelles, paternelles, grands frères, grandes soeurs, petits frères, petites soeurs, parents versus enfant). Quand on parle en français les pronoms restent les mêmes. En vietnamien, ce n’est pas poli pour moi d’utiliser « tôi » (« je » neutre) envers ses parents (et la famille en général… limite ses amis qu’on va traiter en grands frères et grandes soeurs). Les enfants utilisent « con » (ne pas lire con comme en français! c’est un classificateur de choses animées) tandis que les parents se désignent eux-mêmes (ba ou chạ= papa ou père , má ou mẹ = maman ou mère). Heureusement la grammaire est simple, pas de conjugaisons, de masculins ni féminins. À côté de ça, vouvoyer en français est très simple.
    Je pense que la domination chinoise dans l’histoire ancienne du Viêt Nam a apporté les valeurs confucianistes qui ont été profondément intériorisées, plus même qu’en Chine. C’est un devoir de prendre soin de ses parents, des plus vieux, des aînés. C’est en train de se perdre. Il n’y a pas que du bon là-dedans, mais les parents ont leur autorité dans cette culture crois-moi. Ça inhibe malheureusement la liberté d’expression et le franc-parler souvent – la politesse allant jusqu’à l’hypocrisie, la rectitude (politique ou autre) pour sauver la face – ce ne sont pas des valeurs qu’une démocratie devrait promouvoir. Il faut un juste milieu.

  2. @Leonard Langlois:

    Je crois que le but d'être dictateur au sens de l'article, est qu'il faut inculquer à ses enfants le respect de l'autorité d'abord et la liberté d'expression et le franc-parler ensuite. Il est important d'imposer des balises immuables aux enfants des le plus jeune âge, et plus tard leur expliquer pourquoi ces balises existent. C'est, je crois, ce qu'Aldo Naouri veut dire par imposer la dictature d'abord et enseigner la démocratie ensuite.